Chasselay et Autres Massacres
La Part du Pauvre – Nana Triban
Quiconque arrive à Chasselay, un village au nord de Lyon, est surpris par la beauté rouge de son « Tata », cimetière construit à la manière des enceintes sacrée sahélienne, en mémoire des tirailleurs massacrés par les nazis en juin 1940. Le point de départ de notre projet est cet épisode de la seconde guerre mondiale, qui tout comme ses protagonistes est particulièrement méconnu. Peu de lyonnais savent l’existence de ce site aujourd’hui construit par des civils en 1941, entretenu par les habitants, des associations d’anciens combattants sénégalais, des militants et l’armée française. Une marche mémorielle y est organisée tous les mois de juin. Cet événement s’est inscrit dans la continuité d’une campagne de stérilisation forcée des métis afro-allemands nés de l’occupation de la Rhénanie entre les deux guerres par les troupes coloniales française (que les nazi et Hitler avait nommé « La honte noire »). La plupart des documents, textes, articles ou films ont pour sources les archives militaires, qui, si elles mettent en avant les valeurs guerrières et le courage des combattants, sont quasiment toutes porteuse du même discours technique, faisant état essentiellement de chiffres et de dates sans qu’on puisse avoir une idée de ce qu’étaient ces soldats dans leur quotidien. Nous avons peu de traces par exemple de leurs relations avec les habitants des villes et villages où les campements étaient installés. Aussi le spectacle tente de donner par l’imagination une matérialité, des anecdotes, des relations, bref une humanité à ces soldats oubliés. Mêlant personnages inventés et personnes ayant réellement existé, la fiction est constituée de scènes banales, de rencontres amoureuses ou amicales, de moments de repas. Cette démarche littéraire qui emprunte à l’écriture romanesque est mise en abîme par la narration du processus de recherche, des voyages et autres moments de documentation, des réflexions qui ont mené à l’écriture du texte. En effet, brouillant la frontière entre le réel et l’imaginaire, le texte met en jeu une autrice, qui montre les scène en les réfléchissant, allant jusqu’à entrer en dialogue avec ses personnages dans un souci de dialectique et de réflexion collective sur la notion même d’Histoire. Par ailleurs la pièce sera également participative : à plusieurs moments le public est invité à énumérer les noms des personnes enterrées au Tata de Chasselay, devenant ainsi le choeur de cette tragédie en chantier. Tout comme les réflexion de l’écrivaine, cette cérémonie sera accompagnée par deux musiciens, un pianiste et un joueur de kora. La rencontre entre ces deux instruments nobles, européen et africain est une évocation par la beauté de la rencontre entre ces africains et européens.